Ces gens-là partis, l’impériale sembla vide. On avait laissé le Camarguais à Arles ; le conducteur marchait sur la route à côté de ses chevaux… Nous étions seuls là-haut, le rémouleur et moi, chacun dans notre coin, sans parler. Il faisait chaud ; le cuir de la capote brûlait. Par moments, je sentais mes
yeux se fermer et ma tête devenir lourde ; mais impossible de dormir. J’avais toujours dans les oreilles ce « Tais-toi, je t’en prie, » si navrant et si doux… Ni lui non plus, le pauvre homme, il ne dormait pas. De derrière, je voyais ses grosses épaules frissonner, et sa main – une longue main blafarde et bête, - trembler sur le dos de la banquette, comme une main de vieux. Il pleurait...
Alphonse Daudet
Merci