Iceberg 17

J’ai réussi, non sans mal, à devenir « l’ami de la famille ». Irène m’invita à prendre le thé un dimanche et me présenta le fameux Georges.
Un des plus mauvais après-midi de mon existence. Jamais je n’ai eu autant l’impression de ne pas exister. Dès cette visite, j’ai compris qu’un tel amour ne pouvait laisser de place pour aucun autre et que, de Georges et moi, l’un était de trop.
Il aurait été beau encore ! Mais il était laid – une espèce d’avorton à moitié chauve – et son caractère
semblait aussi malgracieux que son apparence. Tel était celui qui empêchait Irène de rechercher un homme capable de lui apporter un amour sérieux. Un homme qui, lui au moins, l’épouserait. Moi.
Et elle gâchait sa vie pour un être qui, dans son inconscience, ne s’apercevait même pas du sacrifice !
Très rapidement, j’ai donc été amené à conclure que ce serait un vrai service à lui rendre que de la
débarrasser de Georges. Un service dont elle ne me saurait évidemment aucun gré si elle apprenait que je le lui avais rendu, mais il importe de savoir faire malgré eux le bien de ceux que l’on aime.
Elle le pleurerait sans doute pendant quelque temps, mais tout s’oublie. Elle l’oublierait. Dans mes bras.
L’ennui c’est que je ne pouvais faire disparaître Georges n’importe quand. En semaine, j’ignorais où il se trouvait et il eût été trop dangereux d’interroger Irène sur ce point: elle aurait pu s’en souvenir par la suite.
Je ne pouvais atteindre Georges qu’un seul moment où il m’était possible de le voir, c’est-à-dire pendant le week-end. Bon. Je savais quand. Maintenant, il fallait savoir comment. J’ai tout envisagé, même le poison, mais rien ne convenait. Trop dangereux pour moi, pas assez pour lui. Je commençais à désespérer quand j’ai pensé à la voiture.
Fred Kassak

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